Recherche payante avec un enquêteur
Deux jeunes majeurs vivant chez leurs parents et accompagnés de ces derniers font appel à un enquêteur.
Recherche payante avec un enquêteur
Deux jeunes majeurs vivant chez leurs parents et accompagnés de ces derniers.
Témoignage rédigé plusieurs années après le retour.
Elena et Rafael – Merci Fabio !
Quand est-ce qu’on va en Colombie ? nous demande Elena, dix-huit ans.
Arrivée en France à cinq ans et demi, elle ne se sent vraiment colombienne que depuis deux ans.
Rafael, dix-neuf ans, est avec nous depuis l’âge de quatre ans -lui se sent très colombien- et notre ado nous a dit un jour : Le prochain voyage que je ferai avec vous, ce sera en Colombie.
Nous avons toujours dit à nos enfants que nous les accompagnerions s’ils voulaient retourner dans leur pays de naissance. Mais pourquoi voulez-vous aller en Colombie, pour voir le pays ou pour essayer de retrouver vos parents biologiques ?
Elena : Je ne sais pas, on verra…
Rafael : Oui, moi je voudrais bien retrouver ma mère
Nous prenons contact avec Fabio -un Colombien déjà expérimenté dans cette démarche- qui fera des recherches avant notre départ et nous accompagnera sur place. Les actes de naissance originaux des enfants lui sont transmis et il peut commencer son travail de recherche.
Nous obtenons assez peu de renseignements préalables, mais un rendez-vous est pris à l’ICBF pour le lendemain de notre arrivée à Medellin. Là, on nous remet les 200 feuillets relatant l’histoire de notre fille avant son adoption. C’est le dossier de « protección » (seules quatre pages de résumé nous avaient été transmises précédemment…). Fabio se lance immédiatement dans la traduction et traque les indices qui pourraient nous mettre sur une piste. Des noms, des adresses, des numéros de téléphone y figurent et, curieusement, près de vingt ans après, ils sont toujours valables.
Il ne faudra pas plus de deux jours à Fabio pour trouver la mère de naissance d’Elena. Il lui téléphone et nous allons le soir même tous les cinq (deux parents, deux enfants et notre accompagnateur) dans la maison d’une personne chez qui elle fait le ménage. Un grand moment d’émotion. Lorsque cette maman du bout du monde apparaît, nous savons immédiatement que c’est elle tant notre fille lui ressemble ! Tout le monde est en larmes. Nous passons la soirée à échanger des informations. Nous apprenons énormément de choses sur les conditions dans lesquelles Elena s’est retrouvée à l’ICBF. Sa mère ne savait même pas que sa fille avait été adoptée ! Elle la trouve belle, grande, et nous remercie de lui avoir ramenée. Elle savait qu’elle la reverrait un jour, nous dit-elle. Chaque jour, nous sommes invités dans tous les foyers de cette nombreuse famille et chaque fois, nous sommes accueillis les bras ouverts, avec des remerciements pour leur avoir permis de la revoir.
Pendant ce temps, Fabio ne perd pas de temps et recherche la famille de Rafael. Il se rend tout seul dans le village de naissance de notre fils (la présence des Farc nous empêche de l’accompagner). Il cherche des renseignements sur ce qu’a bien pu devenir cette mère à qui on avait enlevé son enfant parce qu’elle mendiait avec lui dans la rue. Il revient avec quelques indices sur la grand-mère, sur un lieu éventuel où on pourrait rechercher la mère mais… pas grand-chose ! Nous allons dans un centre de sans-abri : aucune trace. Fabio emmène Rafael dans ce qui ressemble fort à un bidonville –où ils sont accompagnés de travailleurs sociaux en uniforme-. Toujours rien. Pourtant, il ne semble pas qu’elle soit décédée : l’Etat civil n’en fait pas mention.
En revanche, toujours grâce aux indications contenues dans son dossier (moins épais que celui d’Elena), nous parvenons à entrer à en relation avec un oncle, puis avec le père. Celui-ci habite loin et veut bien venir si nous lui payons le voyage. Notre fils est choqué : Si mon fils habitait à sept mille kilomètres et venait me voir, je m’arrangerais pour trouver l’argent pour le rencontrer !
Rendez-vous est pris dans une gare routière (on ne peut pas trouver plus sordide !) et là, le père nous raconte une histoire abracadabrante pour nous dire, finalement, qu’il n’est pas le père ! A nouveau, tout le monde est en larmes ! Il repart comme il est venu. Nous savons qu’il ment, Rafael lui ressemble tellement, mais peut-être a-t-il peur qu’on lui demande quelque chose (quoi, d’ailleurs ?). Nous rencontrons, le jour suivant, deux cousines qui sont ravies de faire la connaissance de leur cousin (encore une fois, la ressemblance est frappante) et qui nous disent ne pas être au courant de son existence. Le tonton avait bien caché son jeu ! Et une fois de plus, nous sommes reçus comme des rois. L’accueil colombien n’est pas une légende ! Après toutes ces émotions, nous partons nous ressourcer quelques jours à San Andrés, une île colombienne bien calme par rapport à la ville où nous séjournons depuis dix jours.
Quels ont été les effets de ce voyage sur nos enfants ? Elena s’est ouverte à la vie et au monde, elle s’est intéressée à des tas de choses qu’elle voulait ignorer jusque-là, a poursuivi ses études. On aurait dit que le couvercle qui l’oppressait avait sauté.
Les liens se sont aussi resserrés avec nous. Elle a correspondu quelques temps par téléphone avec sa mère et ses frères, est retournée en Colombie seule (avec une amie) deux ans plus tard. Maintenant, elle est toujours fière d’être colombienne, mais ne semble plus avoir de relations avec sa famille d’origine. Même les photos de sa mère et des ses frères qui étaient dans sa chambre ont disparu. Elle se sent bien, elle vit sa vie.
Rafael a, bien sûr, été déçu de ce qu’il n’a pas trouvé en Colombie, mais il continue sa vie sans jamais en parler. A quel âge faut-il prévoir un voyage de « retour au pays » ? Je serais bien en peine de le dire !
Certains enfants ne veulent pas le faire du tout, d’autres le demandent dès l’âge de dix ans, d’autres plus tard, d’autres encore font cette démarche entre vingt et trente ans. Pour notre part, nous avions décidé d’attendre que les turbulences de l’adolescence s’estompent.
Aurait-ce été différent si nous étions partis plus tôt ? Nous ne le saurons jamais.
Nous sommes heureux d’avoir effectué ce voyage avec eux et je pense qu’ils ont également apprécié de le faire avec nous. Il est bien évident que tout ce qui précède ne constitue qu’un témoignage. Il n’y a pas deux rencontres qui se passent de la même façon et les réactions des uns et des autres sont, elles aussi, différentes à chaque fois : avant, pendant et après…