Retour en Colombie en famille

Des parents retournent en Colombie avec leurs enfants adoptifs.

Nous avons adopté nos deux fils, respectivement en 2006 et 2011, en Colombie, ce qui nous a conduit à passer deux fois un mois dans ce beau pays, dont nous n’avions, toutefois, guère eu l’opportunité de découvrir toute la richesse tant notre attention était concentrée sur nos enfants que nous souhaitions avant tout apprendre à connaitre et protéger. Nous nous étions ainsi promis d’y retourner, tous les quatre, lorsque l’environnement politique serait encore plus apaisé et que les enfants en ressentiraient l’envie, et de préférence avant les 18 ans de notre aîné (pour éviter toute problématique de service militaire). Lorsque le cadet nous demanda vers 8 ans d’aller en Colombie et s’il pourrait voir sa mère biologique (à tout le moins une photo), nous l’avons fait patienter quelque peu tout en lui promettant d’aller découvrir la Colombie lors d’un voyage touristique. Concernant une rencontre, nous lui avons juste dit que nous irions à l’ICBF ensemble car il était fort jeune et qu’il pourrait poser les questions qu’il souhaitait et déposer une lettre ou une photo.

C’est ainsi que nous décidâmes de partir pour les vacances scolaires de février 2020 alors que nos deux fils avaient respectivement 15 et 10 ans pour faire un voyage incluant un retour sur leurs lieux de naissance et d’adoption et la découverte des cultures et des natures colombiennes. L’aîné n’était pas spécialement demandeur mais partant pour retourner dans son pays de naissance et dans le pays où il était revenu à l’âge de 6 ans pour chercher son frère à nos côtés. Ses souvenirs de Colombie étaient lointains. Nous avons, tout d’abord, hésité à partir en voyage organisé avec d’autres familles ou seulement à quatre en choisissant précisément notre itinéraire. Comme les voyages organisés n’étaient proposés qu’en saison haute (été) que nous voulions éviter en raison du monde, nous avons opté pour le voyage à quatre hors saison, ce dont nous nous sommes félicités tant sur les sites naturels de la région du café ou des Caraïbes que dans des villes touristiques comme Carthagène. La Colombie devient une destination très prisée et, même en saison basse, on entend parler de nombreuses langues européennes, même dans des petits bus locaux pris par les Colombiens.

Nous avons préféré recourir aux services d’une agence de voyage pour faciliter les transports internes, disposer de guides de qualité et gagner du temps sur place et dans l’organisation. Nous avions vu une publicité dans la revue de l’APAEC concernant l’agence Colombie Authentique et avons donc fait ce choix après avoir bien expliqué nos attentes : découverte du pays, activités ludiques, temps libres dans les villes, hôtels locaux (et non internationaux), guides hispanophones (nous parlons tous l’espagnol et la langue est un élément clé pour s’immerger dans la culture locale), visite des lieux de naissance des enfants (Medellín et Cali) et région caraïbe. L’agence a globalement bien organisé le voyage et nous n’avons pas eu de mauvaise surprise sur place avec des chauffeurs ou guides, dans l’ensemble de qualité.

Pour préparer le voyage, nous devions de notre côté nous assurer d’avoir les bons papiers pour entrer et sortir de Colombie (passeports, carte d’identité, registre de naissance, vaccins, etc.). Petit stress lorsque nous avons compris que les enfants devaient chacun avoir une carte d’identité colombienne alors que seul notre aîné en disposait et que l’obtention nous avait pris plus de deux ans ! Nous allâmes au consulat pour faire la demande et obtenir le fameux récépissé (la contraseña) qui devait être suffisant selon les autorités. Nous n’avons pas eu l’occasion de le vérifier car elle ne nous fut pas demandée mais la copie du registre de naissance colombien fut, lui, bien réclamé par les services d’émigration de l’aéroport pour quitter le pays. Nous avons aussi contacté l’AFA pour confirmer les documents administratifs nécessaires et pour nous aider à prendre un rendez-vous avec les ICBF locaux. Ces rencontres visaient à donner l’occasion aux enfants de voir les lieux de l’entrega, de poser des questions, leurs questions et aussi permettre à l’Administration colombienne de voir ce que deviennent les enfants qu’elle nous confia. L’AFA fut de bon conseil.

Enfin, et peut être le plus important, nous devions préparer les enfants. Nous avons contacté quelques personnes de l’APAEC, toujours aussi disponibles, précieuses et passionnées, et relu quelques ouvrages/revues sur l’adoption pour nous aider dans notre réflexion. La principale idée que nous en avons retirée fut : faire de ce voyage un voyage de découverte de la Colombie et laisser beaucoup de liberté aux enfants sur leurs questionnements et leurs désirs. Ainsi, en pratique, nous avons préalablement expliqué l’itinéraire (2 jours dans les lieux de naissance des enfants avec une rencontre d’une heure à l’ICBF), la visite de lieux historiques (Carthagène, Medellín, Bogotá, Cali) et/ou magnifiques (région du café, Sierra Nevada de Santa Marta) et regarder des photos et films de nos précédents voyages. Les enfants ont été contents de se revoir petits et, sur place, ils pouvaient ainsi plus facilement retrouver les lieux : l’escalier pour l’un, la chambre pour l’autre.

Lors des rendez-vous aux deux ICBF, nous avons été très bien accueillis par des professionnels contents de voir le résultat de leur travail quotidien et de parler avec nous, soulignant notre rôle dans cette découverte personnelle de la Colombie pour les enfants. Ceux-ci ont peu parlé. Notre aîné était surtout intéressé de voir les lieux de l’entrega et notre cadet, d’habitude si bavard, n’avait plus trop de questions (la responsable du service l’a pris seul un moment pour lui laisser plus de liberté de parole – nous n’en saurons pas plus). Nous avons remis deux photos des enfants pour les dossiers et avons conservé le papier et l’adresse où ils pourront demander des informations complémentaires à Bogotá s’ils le souhaitent.

Plus généralement sur place, les enfants ont apprécié le pays : les activités aquatiques (descente de rivière en radeau, en kayak, en bouée et en barque), la mer à 28°C et les rouleaux de vagues, le musée de la marine de Carthagène qui leur a permis de s’imaginer sous-marinier, capitaine, marin et plongeur (pendant que les parents découvrent, eux, la riche histoire de la ville face aux pirates et corsaires français et anglais, ainsi que les rebondissements politiques de la Colombie au XIXe siècle), la Comuna 13 de Medellín qui allie street art et histoire douloureuse du pays dans les années 1980-2010, un cas exemplaire de rénovation sociale, la nourriture savoureuse (fruits plus exotiques les uns que les autres, viande et poisson délicieux, riz parfumé au coco), la gentillesse et la diversité des gens rencontrés (chauffeurs, guides, touristes étrangers et colombiens, indigenas) avec qui nous avons abondamment parlé. Ils ont moins aimé la chaleur, la pauvreté des bords de route et des bidonvilles aux alentours des grandes villes, la simplicité de certains hôtels locaux où le wifi (!) est limité, l’eau parfois froide, les insectes qui nous ont laissé quelques traces sur les jambes. Ils ont donc aussi été contents de rentrer dans un environnement familier avec leurs objets habituels et leurs amis.

Au final, nous sommes tous heureux de l’expérience tant culturelle que familiale et verrons dans les mois à venir l’impact concret sur les enfants et sur la famille. Ce qui nous semble clair est que le pays sera moins rêvé, moins lointain, simplement plus réel avec sa diversité et ses contrastes.

Philippe, Laurence, Antoine et Thomas 23 février 2020